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Le site des familles Filet et apparentées;  Association "La Gens Filet"

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Le Marcelou

Extrait de : « Fant de Loup. »
Avec l’aimable autorisation de Liliane Lucet-Ponzio.


Mon pépé est né à mi chemin de l’automne, en l’an 1891, dans l’ancienne maison du gabelou. (autrement dit du percepteur de gabelle).
L’endroit simplement s’appelle « Le Trou du Sel » .. comme il se doit.

C’est une toute petite maison qui aujourd’hui, superbement restaurée, tient lieu de mairie. L’ancienne « Mairie Ecole » de notre enfance, a été transformée en salle des fêtes.

 
 

mairie

la mairie de Saint-Pardoux
(photo JL Filet)

A neuf ans, mon pépé a été loué à la ferme de Gauthier.
 

Quand j’étais trop malheureux, je grimpais sur un arbre pour apercevoir, au loin, le toit de ma maison. Je l’imaginais, bien plus que je ne le voyais … mais c’était toujours ça. Et la je pensais aux miens... et je me mettais à pleurer. Comme j’étais bien caché, dans mon arbre, personne ne me voyait … qu’on se serait foutu de moi.

 

 
   
  • Pourquoi pépé, ta maman t’a donné à Gauthier ?
  • Elle m’a pas donné, elle m’a loué, qu’elle pouvait pas faire autrement … notre père est mort comme j’avais tout juste trois ans.
  • Comment tu t’appelais quand tu étais petit ?
  • Eh comme mon père pardi !
  • Et comment il s’appelait ton père ?
  • Eh comme moi pardi !
  • Quand il était petit ?
  • Quand il était petit, quand il était moyen et quand il est devenu grand.
  • Même sa maman elle l’appelait pareil ?
  • Peut être qu’elle lui donnait un petit nom, comme « Pitiou »
  • Et ta maman à toi, elle t’appelait aussi « Pitiou » ?
  • Des fois, mais notre mère, elle avait pas trop le temps de chercher des petits noms.
  • Peut être quand même qu’elle t’appelait « le Marcellou » ?
  • Ah oui ça c’était pas trop long à trouver.
  • Elle te chantait le Dzigoulé ?
  • Pindoulé et Dzigoulé ! Je pense bien . Elle berçait la Marthe tout en chantant :
  • «  Pindoulé pindolé
  •  Pindoulé trintollé
  • Pindoulé é toumba
  • Dzigoulé lo omocha »
  • Pindoulé était un gland, ainsi dénomé, Dzigoulé un cochon. L’histoire dit simplement que Pindoulé pend, Pindoulé tremble, Pindoulé tombe et Dzigoulé le ramasse.
Doucement Léonard retire ses sabots et les frotte vivement l’un contre l’autre. Le bruit des clous, d’ordinaire fait fuir les loups. Mais ce loup semble d’une autre trempe .Il ne bouge pas. L’homme et la bête se font face. Surtout ne pas bouger …c’est à celui qui impressionnera l’autre. Léonard continue à cogner ses sabots. Le loup ne recule pas. Alors saisi d’une colère soudaine, le pépé sort son couteau de la poche et se met à crier. A nous deux loup ! Ou ta peau ou la mienne ! Quelques secondes de totale immobilité. Léonard, d’un geste brusque fait jaillir la lame. Les yeux du loup n’ont pas dévié d’un pouce. On continue à s’observer. Et puis, comme à regret, lentement l’animal amorce un quart de tour et disparaît dans le noir.

Ce pépé n’avait pas suivi les instructions qui consistent à ne jamais se retourner, pour la raison bien particulière qu’il avait à faire à un loup peu ordinaire, et lui-même était un homme d’un courage exceptionnel !

Par la suite on s’est demandé si le fameux loup semait la terreur de Cadouin au Bos de Bourret, en passant par Peyrelevade, la Brunie, Regagnac, le Naud de la Peyre et pour finir, à la borie d’Allas, autrement dit « Biel Loup » ne venait pas en droite ligne du loup des bois de Peyrelongue et de Laroque.

 

Vous vous souvenez de notre pépé qui pour avoir fait trois ans de service, quatre ans de tranchées, un an en Crête, sans que ça l’ait tué, estimait bien valoir à lui tout seul, quelques dix loups et peut être bien cinq à six renards.

Avec de pareils ancêtres, les loups ne devaient pas dormir tranquilles, nous n’avions rien à craindre, assurait notre grand-père. Peut-être que si la mémé Adrienne avait fait les tranchées, le service et la Crète, elle aurait valu dix loups et six renards, et elle ne serait pas morte.

Les yeux bleus de notre pépé regardent vers le ciel, haut, bien haut. Il doit penser qu’on a raison. Notre mémé est morte à vingt huit ans. Laissant notre mère, la Nizou et notre pépé avec cette mémé Philippine, qui savait bien faire la soupe, et lire le journal. Mais qui ne riait plus jamais.

Le 11 novembre 1918 la guerre lui avait pris son fils, Philémon. Quelques mois avant, elle avait perdu son mari, qui était aussi son cousin germain et sept ans après sa fille mourait de la tuberculose que Philémon avait ramenée des tranchées. Voir une page spéciale Philémon.
Et maintenant pépé, que la mémé Philippine n’est plus là pour te faire la soupe, tu vas te remarier ? C ‘est pas la peine, quand tu seras vieux la Lili et moi, on te fera la soupe. Et on te lira le journal, puisque la vie t’a pas laissé le temps d’apprendre à lire et à écrire, et que c’est pas grave puisque tu as tout le reste.

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