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La Bigorne

Lettre de mr POIVRE intendant de
l'isle de France au roi Louis XV

Soldat armurier de la garnison de l’Isle de France et interprète de la langue de Madagascar.

Son projet d’aller enlever par la force deux à trois mille esclaves à Madagascar.

Dans son acte de succession, il est dit natif de Béthune en Artois. Il est inscrit sur le rôle d’équipage du « Saint Priest » de la compagnie des Indes le 12e mois de 1750 et sera débarqué à l’Isle de France en 1751. Il est mort au cours de l’année 1771 à l’Isle de Madagascar.

Nota : Il n’y a plus de registre d’état-civil à Béthune pour la période correspondant à sa naissance. Il n’y a pas d’acte d’état-civil pour son acte de décès. Juste un acte de succession où il est dit qu’il n’a pas d’héritier.

Pour mémoire L’Isle Sainte Marie a été donnée par Béti, fille du défunt roy de Foulepointe en Juillet 1750.

D’après la lettre en 1772, de Mr POIVRE, intendant de l’Isle de France (Isle Maurice) à Monseigneur le Roy relatant les faits portés à sa connaissance après la mort en 1771 de FILET dit « La Bigorne ». Il se plaint en particulier que tout le monde était au courant du projet que lui seul ignorait. D’après le document consultable sur le site des archives nationales de l’outre-mer.

Il a présenté des la fin de 1767 à Mr Dumas alors commandant général, un projet pour aller enlever par la force deux à trois mille esclaves chez les différents peuples de Madagascar. Il avait déjà fait sous l’administration de la compagnie des Indes plusieurs tentatives semblables qui avaient fait tort au crédit de la France parmi les insulaires et avait ruiné toutes les traites de la partie de l’Isle de Madagascar. Cet homme qui était un aventurier dangereux était très connu de la compagnie qui avait résolu de le retirer de Madagascar de gré ou de force et de ne plus l’y laisser retourner. Monsieur DUMAS frappé des connaissances locales que cet homme avait de l’Isle de Madagascar et plus encore de la fortune qu’il lui promettait par l’envoi de deux milles esclaves qui n’eurent couté que la peine de les enlever et de les transporter sur la flotte du Roy, fit son possible pour m’engager à donner ma confiance à cet homme, sans néanmoins me parler de son projet et de ses promesses.

Je connaissais trop ce nommé « La Bigorne » pour lui donner la moindre confiance. J’insistai auprès de Monsieur DUMAS pour que cet homme fut retenu à l’isle de France, et qu’il lui fut défendu de retourner jamais à Madagascar où je n’ignorais pas qu’il avait des contacts. Malgré moi, et à mon insu, Mr DUMAS fit embarquer cet homme sur la flotte « La Garonne » commandée par monsieur DEVAUQUELIN, et l’adressa au sieur GLENET régisseur des traites, associé de Mr DUMAS, comme un homme de confiance dont il devait suivre les avis et lui donner tout ce qu’ il demanderait pour suivre les opérations. Le dit « La Bigorne » employa l’année 1768 à assurer l’exécution de son projet de guerre et d’enlèvement.

En 1769, il les mit à exécution et sachant que Mr DUMAS n’était plus à l’isle de France et vendit aux armateurs particuliers, ou fit passer sur les flottes du Roy pour son compte prés de deux mille esclaves de tout âge et de tout sexe. Avec le produit desquels il paya en 1770 des dettes immenses qu’il avait dans la colonie. A la fin de cette même année, Mr LE CHEVALIER DESROCHES, qui avait pris la plus grande confiance dans cet homme, et même l’avait traité publiquement avec distinction, me pressa vivement de le renvoyer à Madagascar, en me priant de lui faire délivrer du magasin du Roy, tous les effets qu’il me demanderait. J’acquiesçai à tout sur l’assurance que me donnait cet homme appuyé de la protection de Mr le gouverneur de nous procurer une quantité immense de bœufs à bas prix, pour remonter les troupeaux de la compagnie. Le nommé « La Bigorne » passa donc à Madagascar avec les effets que je lui avait fait délivrer du magasin du Roy et avec un ordre au régisseur des traites de Foulepointe de lui délivrer des magasins de la traite tous les effets qu’il demanderait sur son simple reçu. A son débarquement à Foulepointe, cet homme s’annonce pour vouloir aller porter la guerre chez les Ancover, nation qui est à plus de cent lieues dans l’intérieur de l’isle. Il se fit accompagner de tous les jeunes guerriers des villages de Foulepointe et des alentours. Il a passé l’hivernage de 1770 à 1771 dans cette partie de l’isle où il faisait la guerre.

En 1771, en saison favorable pour les voyages de Madagascar, étant revenu, Mr LE CHEVALIER DESROCHES a fait embarquer pour Foulepointe la nommée BETI, fille de l’ancien chef de Foulepointe, tante du chef qui commande aujourd’hui dans cette partie. Cette femme est établie depuis de longues années à l’isle de France où elle possède des terres, des esclaves et des troupeaux. Le prétexte de ce voyage était simplement d’aller voir sa famille et de recueillir quelques restes de la succession de son père en esclaves et troupeaux. Dés que cette femme a été débarquée à Foulepointe, elle y a causé un trouble considérable. Son neveu YAVI s’est fortifié dans sa palissade , et l’on a vu le moment où tout le pays allait être en armes. Dans le même temps que Mr LE CHEVALIER DESROCHES faisait embarquer BETI pour Foulpointe , il faisait ses efforts auprès de moi , pour me déterminer à ne point envoyer au même lieu le sieur DELAVAL régisseur des traites. Le seul homme de la colonie en qui je puisse avoir confiance pour l’approvisionnement qu’exigerait la multitude de consommateurs qui nous était annoncé. Mr LE CHEVALIER DESROCHES cherchait à décrier dans mon esprit par les inculpations les plus odieuses le dit sieur LAVAL qui joint aux connaissances de la langue du pays, et a sa longue expérience dans la traite, la probité la plus intacte et la mieux connue. Il exigeait avec la plus vive instance que je confiasse au seul « LA BIGORNE » tous les intérêts du roy et de la colonie pour nos traites de Madagascar. Ce « LA BIGORNE » avait ménagé à BETI un parti considérable parmi tous les chefs contre son propre neveu. Il devait revenir de chez les Ancover où il faisait la guerre à la tête de sa troupe de guerriers pour se joindre aux chefs du parti de BETTI, envelopper YAVI avec tous ses villages, et en enlever de force tous ses habitants, les embarquer sur les bâtiments français et les amener à l’Isle de France pour le compte de BETTI, de « LA BIGORNE » et de tous ceux qui étaient entrés dans le projet. Si une telle entreprise avait réussi, la partie de Foulepointe qui a fourni l’année dernière environ quinze cent milliers de ris blanc, sans parler traite du Roy que par celles des particuliers et environ trois mille bœufs tant vivant qu’en salaison, n’aurait rien fourni du tout. L’isle de France eut éprouvé la disette la plus cruelle, tous les habitants de Foulepointe qui n’eussent pas été enlever, eussent fui dans les montagnes et il eut fallu plus de dix années pour ramener la confiance aux malheureux insulaires et les engager à revenir peupler le seul port de la partie Est où nos bâtiments sont en sureté.

Heureusement pour notre colonie, la providence a fait évanouir un projet aussi funeste le nommé « La Bigorne » qui en était l’âme est mort xxx camp sur les terres des Ancover. A sa mort tous ses guerriers se sont disperser, après avoir pillé ses effets et sont revenus à Foulepointe où ses confidents ont parlé assez hautement du projet qu’il avait arrêté contre le pays de Foulepointe. Je n’ai connaissance de toute cette trame qui avait pour objet d’enrichir quelques particuliers en ruinant notre colonie que pour le retour de Monsieur le baron de Chigny commandant la flotte l’ambulante en juillet de l’année 1771. J’ai frémi au récit qu’il m’a fait des risques que nous avions couru d’être affamé à l’Isle de France xxx que je faisais les plus grands efforts pour nous approvisionner ; malgré la mort de « La Bigorne » . Je craignais encore que BETI et ses partisans ne troublassent la paix. J’ai aussitôt adressé à Monsieur LE CHEVALIER DESROCHES les notes dont copies ci jointe en date du 10 juillet de l’année 1771. Le but de mes représentations en forme de notes était d’engager Monsieur le gouverneur général à se joindre à moi pour arrêter les entreprises de BETI et au moins de lui faire savoir que j’avais connaissance de ce projet funeste Monsieur LE CHEVALIER DESROCHES parut se prêter de la meilleure grâce à mes propositions pour maintenir à Foulepointe la paix dont nous avions besoin pour notre approvisionnement. Après la mort du nommé FILET dit « La Bigorne », il s’est trouvé des papiers et entre autres deux lettres ecrites de l’Isle de France audit « La Bigorne », qui m’ont appris que j’étais le seul administrateur qui n’eut aucune connaissance du complot. Permettez moi, Monseigneur de ne pas vous en dire davantage sur cet objet, mon intention n’est point de vous indisposer contre personne, mais seulement de vous prier de me retirer d’un pays où je ne puis semer la bonne graine dans les champs dont la culture m’est confiée, sans qu’une main ennemie n’y sème en même temps l’yvraye.

Je suis avec un très profond respect Monseigneur Votre très humble et très obéissant serviteur.
De l’Isle de France le 12 février 1772.

Source : Dossier "Louis Fillet" dit "La Bigorne" disponible sur le site des
archives nationales de l'Outre-Mer

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