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en patois

Extrait de : « Fant de Loup. »
Avec l’aimable autorisation de Liliane Lucet-Ponzio.


J'ai dit que mon grand-père ne savait ni lire ni écrire. Mais d'autres de son âge, avaient appris les lettres de l'alphabet, même que certains ça n'avait pas été la meilleure chose qui leur soit arrivée. Exemple le Célin du Pech, qui était de l'âge de mon pépé, mais qui lui avait fait des études. Que ça ne lui avait pas réussi. Avant d'aller à l'école, le Célin savait à peu près se faire comprendre.
En patois bien sûr.
Seulement l'école avait en priorité le désavantage de rejeter le patois. On vous désapprenait une langue, qui est l'occitan, ou langue d'oc si vous préférez, pour une autre...
belves
l'église de Belvès
Exemple, "Pille", tout le monde comprenait ce que cela voulait dire, puisqu'on savait ce qu'était un pillarot.
Un pillarot, c'est un qui passait dans les fermes en criant: "Pillarot! Pillarot! Peaux de lapins! Peaux de lièvres! Mâles ou femelles, ça ne fait rien!Tintin!" Et par dessus le marché, il achetait la plume et tout ce qui ne servait plus à rien. Et comme en plus on le soupçonnait de venir nous piller quand on avait le dos tourné, le verbe piller, on en connaissait le sens.
Je pille, tu pilles, il pille. Ou encore: Un joyeux drille (comme le Marcel justement, qui avait toujours un tour à vous jouer.) Mais voilà que des mots bizarres venaient tout gâcher; exemple: ville, que l'on devait prononcer comme pile, alors que l'on aurait dû dire comme quille.
Vous suivez ?
Ce qui fait que notre Célin, lorsqu'il lisait prononçait ainsi:
- Je suis allé (et pas je suis été) à la villeux et j'ai acheté une paire de bœufs, qui a coûté deux milleux francs.
Sans compter que passer du patois au français, était une sacrée paire de manches. Encore heureux qu'entre eux ils ne parlaient que patois. Le français était réservé aux grandes occasions, et quand on ne pouvait pas faire autrement.
 
 

 

Notre pépé, c'est les "G" qu'il supprimait du français.
- Té, je vais faire des fa-ots, tu viens Lili?
Il prononçait un wa-on.
Il ne supprimait les "G" qu'entre deux consonnes, parce qu'il disait très bien: gare-guêpes; mais fi-e, pour figue.

 

Même le curé parlait patois, pareillement le notaire, le juge de Paix, et le Rat de Cave. En majuscule Rat de Cave, qu'il ne faudrait pas confondre ce beau monsieur, avec un gentil et innocent petit rat gris. Un Rat de Cave, c'est un dénonceur de braves gens . Un qui fouille votre chez vous, de la cave au grenier, en espérant y trouver, de l'eau de vie faite en fraude, et je ne sais quoi d'autre. Un contrôleur de tabac, c'est pas aimé au-delà, à vous compter et recompter, les pieds, les feuilles, les rangées... comme si on n'était pas capable de tricher sans se faire prendre! Mais rien à voir avec le Rat de Cave... Pour en revenir à notre parler, l'école y a fait du tort. Et Célin s'entravait à vouloir parler comme un monsieur. Il lui arrivait même de prendre ses voisins de haut, ayant sur la plupart, la supériorité d'un français approximatif, tant lu qu'écrit. Il déployait le journal, chaussait ses lunettes, et attendait qu'on l'interroge sur la marche du monde. Si personne ne pipait, il commençait par soupirer, agitait bruyamment les feuilles, allait d'une page à l'autre en secouant la tête, commentait à mi-voix, allant parfois jusqu'à s'emporter pour de bon, au lu de nouvelles, que je vous dis pas! Mon illettré de grand-père, le Marcel, qui n'était pas fichu de reconnaître un O d'un I, et qui disait: "Je suis été à Belvès"; qui de plus mélangeait à l'occasion, féminin et masculin, mais uniquement dans la langue française, observait son voisin sans une once d'admiration, allant jusqu'à le plaindre de savoir lire.
"Que ce pauvre diable de Célin, le journal le rend malade et lui cure les yeux!" - C'est pas de chance tout de même, que t'aies appris à lire, regarde le mal que ça te fait! Bien que je reconnaisse que ce journal est bien utile pour allumer le feu! Le Célin détournait la tête, qu'autrement il se serait emporté pour de bon, et s'adressant à la ronde annonçait son intention d'aller à la villeux samedi, jour de foire, dans l'auto du René, que d'un côté ça l'arrangeait, mais de l'autre ça allait lui faire sortir un ou deux billets de milleux de la poche.

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